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• 1997 • « Je m’appelle Ali. Pas Alison, ni Alyssia et pas Alice non plus. Juste Ali, juste ces trois lettres »

Les rues de Tel Aviv défilaient devant elle, tellement vite qu’elle n’en distinguait plus les détails, seulement quelques tâches de couleur et le sol filant sous elle n’était plus qu’uniforme. C’était telle une gazelle qu’elle courrait dans la ville israélienne sans chaîne, sans poids. Elle était Ali la terreur, la plus grande brigande que l’Israël n’avait pas vu, une nouvelle Aladin n’ayant pas besoin d’un Abu en partenaire pour voler aux plus riches et donner aux pauvres et fuir la police. Ali bondit dans l’ombre d’un bâtiment, le cœur battant, le souffle court. Accroupie dans le noir, elle guettait ces soi-disant forces de l’ordre qui rêvaient de l’arrêter. Il ne fallait pas qu’elle se fasse attraper car dès lors, ils sauraient qu’Ali la terreur n’est autre qu’Ali Sarah la princesse du roi. Elle voulait continuer d’être libre dans son royaume et ne laisserait jamais personne la priver de cela. C’était pour cela qu’il ne fallait pas qu’ils la retrouvent, qu’elle continue de se cacher jusqu’à gagner sur eux. A un moment donné, ils abandonneraient et elle rentrerait au bercail plus fière et belle que jamais, plus … « Je te tiens ! » Revirement de situation, elle se retrouve face contre les dalles chaudes, une masse sur elle qui l’immobilise, il ne lui reste qu’une seule solution : abuser de sa situation d’Ali Sarah la princesse : « ELIIIIIIIIII, arrrêêête ! PAPAAAAA y a Eli qui m’embêêête ! ». Il faut parfois savoir revenir à ses origines et amener un nouveau retournement qui se produisit en même temps qu’une voix masculine s’éleva : « Eli, lâche ta sœur. » Dans un grognement, le petit Eli Kennedy lâcha sa sœur qui se releva avec une mine déconfite. Perdu. Eli avait réussi à la rattraper et surtout, à la trouver. Il ne restait plus qu’Adam en liste, mais ce n’était pas étonnant. C’était toujours pareil. Ses grands frères exploitaient leur lien de jumeaux pour se mettre contre elle. Après tout, d’après eux, ils étaient même télépathes. Alors, c’était pas juste. Surtout qu’aujourd’hui n’était pas comme ces derniers jours ayant duré 8ans. D’ici peu, ils se feraient manger par un grand oiseau de fer qui les recrachera aux Etats-Unis, toujours d’après les jumeaux. Plus officiellement, Harry Kennedy en avait fini avec les documentaires sur l’Israël et rejoignait des compatriotes pour ouvrir une entreprise de production. D’ici peu, Ali la terreur aka Ali Sarah la princesse ou sur l’état civile Ali Sarah Kennedy allait découvrir un nouveau pays, un nouveau terrain de jeu en Abilene, au Texas.



• 2008-09 • « Je m’appelle Ali et c’est tout. Tout le monde m’emmerde à croire que c’est un diminutif.»

Les choses avaient bien changé. Ali la terreur et Ali Sarah la princesse étaient restées habiter les rues israéliennes tandis qu’Ali fougueuse tigre l’indienne était née en même temps que Calimity Ali Sarah la cowboy celle qui tirait deux fois plus vite que son ombre, bang dans tes dents Lucky Luke ! Mais même elles avaient fini par être laissées dans un coin, dans le même carton comportant les dernières traces des israéliennes. Ali avait grandi, comme ses frères qui avaient fini par se lasser d’aller la chercher et commencèrent même à moins se liguer contre elle. Les choses changeaient et Ali la terreur devint surtout Ali la difficile, Ali la trouillarde, Ali la bizarre. Pas véritablement dans un mauvais sens. Seulement sur le plan scolaire. Il fallait dire qu’à part son nom ressemblant plus à un diminutif qu’à un vrai nom, ses camarades de classe connaissaient peu cette Ali Sarah Kennedy. De toute manière, c’était inutile de se pencher sur son cas : elle était peu présente. Ali battait en effet tous les scores d’absences et passaient ses années de justesse. Il suffisait dès lors de donner une excuse d’un psychologue. L’école, ce n’était pas pour elle. Elle avait en horreur cette institution qui l’emmenait loin de son enfance en instaurant des normes, des règles, posant un enclos autour d’elle. On la privait de sa liberté et cela lui était insupportable au point que rapidement, elle eut les études en horreur et les trois dernières la séparant de son diplôme furent les pires. Mais enfin, la consécration. Fini l’école, over, out. Mais c’était crié trop vite. L’université l’attendait maintenant, mais Ali était prête à lui donner une chance. Peut-être que ce serait différent. Et cela le fut, en effet. Il n’y avait pas ce cadre, mais le fait était qu’Ali n’était pas passionnée et préféra se dénicher un boulot. Ainsi revêtit-elle une nouvelle double identité, celle d’Ali l’employée du Burger King et celle d’Ali Sarah Kennedy, étudiante en Histoire auprès de ses parents. Ali ne se représenta plus dans l’enceinte de l’université ou alors pour manger avec des amis. Autrement, elle passa son temps à bosser au Burger King et dans une librairie pour économiser de l’argent. Ce fut dans le premier contexte qu’elle vécut un retournement de situation : « Jeremy Timmerman ? Je suis Ali, la nouvelle du Burger King. » Un retournement du même choc qu'Eli ou Adam provoquaient en lui tombant dessus. Sauf que là, c’était une chute qui relevait plus du psychisme. La petite Ali était belle et bien envolée car petite, elle ne cessait de dire : « Je ne tomberai jamais amoureuse car moi, je ne trébuche même pas. Et maman dit que pour aimer quelqu’un, il faut tomber. »

• 2010 •

Les valises, ça a toujours été un enfer de les faire. Que prendre ? Quel risque prendre en laissant telle ou telle affaire ? Les défaire, c’est plus aisé. Le linge sale dans la machine, le propre rangé dans l’armoire, chaque objet à sa place. Faire les valises définitivement, c’est plus aisé : on embarque tout. Rien ne reste sauf ce qui fait grimacer d’horreur. Par contre, s’installer est une horreur pire que de faire sa valise pour une semaine de vacances. Il faut trouver où ranger les choses, leur trouver une place et surtout, retrouver les affaires dans les valises et les cartons. Mais dans toute sa vie, Ali n’a jamais trouvé aussi difficile et chiant que de faire ses valises pour quitter son petit-ami ayant découvert les joies du libertinage. Pauvre con. Connard. Qu’on te castre. Plus vite il sera viré de ma vie, plus vite j’irai mieux. C’était ce genre de pensées qui tournaient en boucle dans sa tête éclatée par la nouvelle, la vue brouillée par les larmes. Cela faisait déjà un petit moment qu’il n’y avait plus trace de son maquillage léger. Elle ne se maquillait pas beaucoup sur ses jours de congé. Connard, Connard, Connard. Elle avait beau l’insulter de toutes les forces, elle s’insultait aussi, simultanément. Pauvre idiote, stupide, t’es trop conne ma fille. Elle était cette idiote des films qui par amour avait décidé de suivre son petit-ami dans une nouvelle ville pour construire une vie ensemble, prendre un nouveau départ à deux. Aujourd’hui, il n’en restait rien. Le petit-ami parfait aux allures de princes charmants des temps modernes était devenus le salopard contemporain et la soi-disant princesse rêveuse n’était plus qu’une pathétique femme trompée. Merde, elle n’avait même pas 22ans ! Et la voilà pleurant, jetant n’importe comment ses affaires dans ses valises, se maudissant d’avoir autant de vêtements, d’affaires. Elle ne prendrait que ce qui était à portée de main. Jerry pouvait se garder toutes leurs conneries de meubles, y compris cette foutue bibliothèque qu’elle avait tant voulue et sur laquelle ils s’étaient tant énervés à construire ensemble. Il pouvait tout garder : vaisselles, téléphones, provisions, télé, rideaux … tout. Elle ne voulait que son strict minimum et prendre la porte. Cela faisait mal d’être désillusionné, très mal. Cela dépassait l’orgueil qui était définitivement mort et enterré à cette heure. Il n’était jamais venu à l’idée d’Ali qu’une plaie au cœur puisse autant faire souffrir. Tout comme l’idée d’être trompée. Même être quittée lui était une idée étrangère. Au bout de 2ans, elle ne s’était jamais imaginée sans Jerry. Va te faire f*utre. Ce fut la dernière phrase qui traversa son esprit alors qu’elle claquait la porte derrière elle, une valise et un sac mal faits sous ses bras.

Ali Sarah Kennedy, chapitre 21. Ce passage se situe après les deux chapitres dédiés à sa romance avec Jeremy Timmerman, le manager du Burger King qu’elle avait décidé de suivre à Houston lorsqu’il fut muté. Il le lui avait demandé, elle l’aimait. Alors elle le suivit en même temps qu’elle mit un point à son expérience dans le domaine du fast food, dégoûtée du job. Elle ne se voyait pas faire ça toute sa vie, mais point positif : cela semblait l’avoir réconcilié avec les études. Chose qu’elle apprit à ses parents en même temps que le fait qu’elle n’existait dans l’université d’Abilene que par un nom enregistré dans un ordinateur, avec en bonus qu’elle partait vivre à Houston avec Jerry. Choc. Mais ils acceptèrent plutôt bien les nouvelles et Ali intégra Houston en s’inscrivant dans une faculté de psychologie. Néanmoins, un changement n’entraîne pas forcément un changement et c’est ainsi qu’Ali retrouva Ali la difficile. Après deux semaines, elle en avait déjà marre, mais cette fois-ci, elle ne le cacha pas à sa mère. Cette dernière la pistonna pour qu’elle entre dans une de ses agences basée à Houston, boulot qui convient à l’antiscolaire. Tout semblait idyllique, alors ce n’était pas censé duré. Comme elle avait dû dire au revoir à toutes les autres Ali, ce fut à Ali l’amoureuse qu’il fallut dire au revoir. Ce fut un des pires adieux qu’elle eut à faire et le manifesta dans les cris et les larmes. Le tout était impuissant car cela n’effaçait pas les multiples trahisons de Jerry et n’empêchait pas que maintenant, elle était Ali la cocue. VDM.